L'Acte III de la décentralisation, initié en 2013 au Sénégal, représente une transformation profonde de l'architecture administrative et territoriale du pays. Cette réforme ambitieuse vise à construire un Sénégal organisé en territoires plus autonomes, compétitifs et capables de porter un développement durable et équilibré. Elle s'inscrit dans une démarche historique de transfert de pouvoirs de l'État central vers les échelons locaux, marquant une étape décisive après les réformes de 1972 et 1996. Comprendre l'Acte III est essentiel pour saisir les dynamiques actuelles de la gouvernance locale sénégalaise et le rôle pivot qu'y jouent désormais les maires.
Ma connaissance est à jour au vendredi 18 avril 2025.
L'Acte III de la décentralisation a été formalisé par la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités locales. Il ne s'agit pas d'une simple modification administrative, mais d'une refonte structurelle visant à répondre aux limites des précédentes vagues de décentralisation (1972 et 1996). Ces limites incluaient des déséquilibres persistants entre zones urbaines et rurales, une fragmentation excessive du territoire et parfois un manque de cohérence dans l'action publique locale.
La vision motrice de l'Acte III est d'"organiser le Sénégal en territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable". Pour ce faire, la réforme s'articule autour de plusieurs axes majeurs :
La mise en œuvre de l'Acte III est conçue comme un processus progressif, se déroulant en plusieurs phases pour permettre une adaptation et une appropriation par les acteurs concernés.
C'est l'une des innovations les plus marquantes. L'Acte III supprime la distinction entre communes et communautés rurales. Toutes les anciennes communautés rurales sont érigées en communes de plein exercice. De même, les communes d'arrondissement (présentes dans certaines grandes villes) deviennent des communes. La commune devient ainsi l'unique collectivité locale de premier niveau sur l'ensemble du territoire, rapprochant la décision des citoyens et visant une plus grande équité territoriale.
Le département, qui était auparavant une circonscription administrative déconcentrée, accède au statut de collectivité territoriale. Il est désormais dirigé par un Conseil départemental élu au suffrage universel direct. Le département devient un échelon intermédiaire clé, chargé de coordonner certaines actions de développement et de gérer des compétences spécifiques, en complémentarité avec les communes.
Si la région est maintenue comme circonscription administrative, elle perd son statut de collectivité locale élue au profit du département. L'Acte III privilégie la création de pôles de développement économique et territorial, souvent supra-départementaux, comme cadres de planification stratégique et de mise en œuvre de projets structurants, visant un rééquilibrage du développement entre les différentes parties du pays.
Cette carte mentale illustre les principaux piliers et objectifs de l'Acte III de la décentralisation au Sénégal, mettant en lumière les changements structurels et les ambitions de développement territorial.
Un principe cardinal de la décentralisation sénégalaise, réaffirmé et renforcé par l'Acte III, est que tout transfert de compétences de l'État vers les collectivités territoriales doit s'accompagner impérativement et concomitamment du transfert des moyens et ressources nécessaires (financiers, humains, matériels) pour leur exercice effectif. C'est une condition essentielle pour éviter que la décentralisation ne soit qu'un transfert de charges sans capacité réelle d'action pour les élus locaux.
L'Acte III prévoit ainsi des mécanismes pour renforcer les ressources des collectivités, notamment via des dotations de l'État (comme le Fonds de Dotation de la Décentralisation, le Fonds d'Équipement des Collectivités Locales) et l'amélioration de la fiscalité locale.
Le Maire est l'organe exécutif de la commune. À ce titre, il est le principal responsable de la mise en œuvre des compétences qui sont légalement transférées à la commune par l'État. Bien que les compétences appartiennent formellement à la collectivité territoriale (la commune), c'est sous l'autorité et la responsabilité du Maire (en collaboration avec le conseil municipal) qu'elles sont exercées au quotidien. L'Acte III a consolidé les 9 domaines de compétences initialement transférés en 1996 et en a ajouté de nouveaux, portant potentiellement le total à 14 domaines, couvrant un large spectre de la vie locale :
La gestion des déchets, une compétence clé transférée aux communes.
Ce graphique illustre de manière indicative le niveau perçu de responsabilité et d'influence du Maire dans différents domaines de compétences suite à l'Acte III. L'échelle représente un niveau d'implication croissant (minimum 5, maximum 10), reflétant l'importance de ces secteurs dans la gestion communale.
Le tableau suivant résume les principaux domaines de compétences transférés aux communes et exercés sous l'autorité du Maire, en distinguant leur rôle de celui de l'État ou d'autres niveaux de collectivités.
Domaine de Compétence | Compétences Transférées à la Commune (Maire) | Rôle de l'État / Département / Pôle Économique |
---|---|---|
Développement Économique | Promotion locale, soutien aux PME/Artisanat, gestion des marchés locaux. | Politique nationale, stratégies sectorielles, grands projets, coordination (Département/Pôle). |
Environnement & Ressources | Gestion des déchets, assainissement de base, protection locale de l'environnement, gestion des ressources communales. | Législation nationale, normes, gestion des ressources nationales (forêts classées, eau), coordination (Département). |
Santé & Social | Gestion des postes de santé, actions sociales locales, hygiène publique. | Politique nationale de santé, gestion des hôpitaux, programmes nationaux, coordination (Département). |
Éducation & Culture | Gestion des écoles primaires (construction/entretien), soutien aux activités culturelles/sportives locales. | Programmes scolaires, gestion des enseignants, enseignement secondaire/supérieur, politique culturelle nationale. |
Urbanisme & Foncier | Plans locaux d'urbanisme, permis de construire (certains), gestion du domaine communal, voirie communale. | Législation foncière et d'urbanisme, planification nationale/régionale, gestion du domaine national, grandes infrastructures routières. |
Finances & Administration | Budget communal, fiscalité locale, gestion du personnel communal, état civil. | Tutelle financière (contrôle de légalité), dotations, définition du cadre statutaire de la fonction publique locale. |
L'Hôtel de Ville (Mairie) de Dakar, symbole de l'administration communale.
Pour mieux comprendre les enjeux et les débats autour de l'Acte III de la décentralisation, cette vidéo propose un regard sur la mise en œuvre de la réforme quelques années après son lancement. Elle offre des perspectives sur les succès, les défis et l'impact concret sur la gouvernance locale au Sénégal.
Si l'Acte III représente une avancée significative, sa mise en œuvre effective soulève plusieurs enjeux majeurs :
L'Acte III vise à faire du Maire et de son conseil municipal de véritables entrepreneurs du développement local. Cependant, le succès dépendra de la capacité collective à relever ces défis pour transformer l'ambition de la réforme en améliorations concrètes pour les populations.
La communalisation intégrale est l'un des changements majeurs de l'Acte III. Elle signifie que toutes les anciennes "communautés rurales" et les "communes d'arrondissement" ont été transformées en "communes" de plein exercice. Il n'y a donc plus qu'un seul type de collectivité locale de base sur tout le territoire sénégalais, la commune, dirigée par un Maire et un conseil municipal élus.
L'Acte III a consolidé les 9 domaines de compétences transférés en 1996 et a prévu d'en ajouter potentiellement 5 nouveaux, portant le total à 14 domaines. Ces domaines couvrent des secteurs variés comme le développement économique local, l'environnement, la santé, l'éducation de base, l'urbanisme, la gestion des infrastructures locales, l'administration et les finances communales.
Oui, c'est un principe fondamental de la décentralisation au Sénégal, réaffirmé par l'Acte III. La loi stipule que le transfert de compétences doit être accompagné du transfert concomitant des ressources (financières, humaines, matérielles) nécessaires à leur exercice. Des mécanismes comme les fonds de dotation et d'équipement existent, mais l'adéquation effective entre compétences et moyens reste un enjeu constant de la réforme.
Avec l'Acte III, le département est devenu une collectivité territoriale à part entière, dirigée par un Conseil départemental élu. Il n'est plus seulement une circonscription administrative. Il a ses propres compétences, souvent complémentaires à celles des communes, et joue un rôle de coordination et de planification du développement à l'échelle départementale. Il devient un niveau pivot entre l'État et les communes.