Pour comprendre les origines de la guerre d'Algérie, il est essentiel de remonter à la colonisation française. En 1830, la France entreprend l'expédition militaire qui conduit à la prise d'Alger. Cet événement marque le début d'une présence française qui allait durer 132 ans. Contrairement à d'autres colonies, l'Algérie est progressivement intégrée au territoire français, divisée en départements. Cette intégration administrative s'accompagne d'une colonisation de peuplement significative, avec l'arrivée de colons européens, formant la communauté des Pieds-Noirs, aux côtés des populations autochtones arabes et berbères.
Pendant plus d'un siècle, l'Algérie française est caractérisée par de profondes inégalités sociales, économiques et politiques entre la minorité européenne et la majorité musulmane. Les populations autochtones sont soumises au Code de l'indigénat, un ensemble de lois discriminatoires, et sont largement exclues de la vie politique et des bénéfices économiques générés par la colonisation. Malgré des revendications nationalistes qui émergent dès l'entre-deux-guerres, les autorités françaises maintiennent une politique de fermeté, considérant l'Algérie comme partie intégrante de la France.
Après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement de décolonisation prend de l'ampleur à travers le monde. En Algérie, les aspirations nationalistes se renforcent, nourries par les promesses non tenues après la participation des soldats algériens aux efforts de guerre et par la répression de manifestations, notamment celle de Sétif en 1945. Divers mouvements nationalistes voient le jour, cherchant par des moyens politiques ou armés à obtenir l'autonomie ou l'indépendance.
Face à l'impasse des voies politiques et à la division des partis nationalistes existants, un groupe de jeunes militants radicaux décide de passer à l'action armée. Issus du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), ces militants fondent le Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA) en mars 1954, qui se transforme ensuite en Front de Libération Nationale (FLN). L'objectif est clair : déclencher une insurrection pour imposer la question de l'indépendance et unifier le mouvement nationaliste sous sa bannière.
Les préparatifs se déroulent dans le secret. Le FLN structure une branche militaire, l'Armée de Libération Nationale (ALN), et planifie une série d'attaques coordonnées à travers le pays. La date choisie, le 1er novembre 1954, n'est pas anodine : c'est le jour de la Toussaint, une fête catholique, ce qui, espèrent les nationalistes, pourrait surprendre les autorités françaises et maximiser l'impact symbolique.
Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, peu après minuit, une soixantaine d'attentats et d'actions de guérilla sont perpétrés simultanément dans différentes régions d'Algérie, notamment dans les Aurès, la Kabylie, le Nord-Constantinois et l'Oranais. Ces attaques visent principalement des symboles de l'administration française : postes de police, casernes militaires, bâtiments publics, centres de communication, ainsi que des fermes de colons et des infrastructures (ponts, routes). Des personnalités liées à l'administration coloniale ou considérées comme des traîtres sont également ciblées.
Parmi les victimes de cette nuit se trouvent plusieurs Français, dont un instituteur, Guy Monnerot, tué dans les Aurès. Un caïd algérien servant l'administration est également tué. Ces attaques, bien que d'une ampleur militaire limitée, ont un impact psychologique énorme. Elles démontrent la capacité du FLN à frapper sur l'ensemble du territoire et à mobiliser des combattants.
Le FLN revendique immédiatement ces actions par la diffusion d'une proclamation, dite "Proclamation du 1er Novembre 1954". Ce texte fondateur appelle le peuple algérien à rejoindre le combat pour "la restauration de l'État algérien souverain, démocratique et social". Il expose les objectifs du FLN (indépendance nationale, unité du peuple) et les moyens d'y parvenir (lutte armée, diplomatie). La proclamation insiste également sur le caractère "révolutionnaire" du combat et sa dimension anticoloniale.
Cette image représente des membres de l'ALN, la branche militaire du FLN. Ces hommes ont été les principaux acteurs de l'insurrection armée qui a débuté lors de la Toussaint Rouge. Leur engagement marque le passage d'une revendication politique à une lutte armée pour l'indépendance.
La réaction des autorités françaises est initialement de minimiser l'ampleur des événements, les qualifiant d'actes de "quelques hors-la-loi". Le gouvernement de Pierre Mendès France, ainsi que le ministre de l'Intérieur de l'époque, François Mitterrand, affirment que "l'Algérie, c'est la France" et qu'il n'y a pas de négociation possible avec les "rebelles". La réponse est militaire et répressive. Des renforts sont envoyés en Algérie, et l'armée française intensifie ses opérations dans les zones touchées, notamment dans les Aurès.
Cette photographie montre des soldats de la Légion Étrangère, une composante importante des forces françaises déployées en Algérie. Leur présence témoigne de la réponse militaire massive apportée par la France après le déclenchement de l'insurrection par le FLN.
La politique française consiste à considérer le conflit comme une affaire intérieure, des "événements" ou une opération de "maintien de l'ordre", refusant de reconnaître le terme de "guerre" ou d'"indépendance". Cette posture a des conséquences importantes, empêchant notamment la qualification juridique du conflit selon les Conventions de Genève et ouvrant la voie à des pratiques brutales, comme la torture, utilisées par certaines unités françaises.
Les historiens soulignent les "illusions perdues" des Français d'Algérie à cette période. Convaincus de l'appartenance éternelle de l'Algérie à la France, ils ne réalisent pas immédiatement la gravité de la situation. La Toussaint Rouge brise cette illusion et marque le début d'un engrenage de violence qui rendra toute coexistence pacifique de plus en plus difficile.
Cette image illustre les mesures de sécurité et l'atmosphère de tension dans les villes algériennes pendant la guerre. Elle montre comment le conflit, déclenché en 1954, a rapidement affecté la vie quotidienne des habitants, imposant une nouvelle réalité faite de surveillance et d'insécurité.
Après la Toussaint Rouge, la guerre d'Algérie s'intensifie progressivement. Le FLN parvient à structurer son organisation politique et militaire et à obtenir un soutien croissant au sein de la population algérienne. La lutte s'étend, prenant la forme d'une guérilla dans les zones rurales et d'attentats dans les villes, notamment pendant la Bataille d'Alger en 1957.
Le conflit a également des répercussions majeures en France métropolitaine, provoquant des crises politiques et divisant l'opinion publique. En 1958, la crise algérienne entraîne le retour au pouvoir du Général de Gaulle et la fondation de la Cinquième République. De Gaulle s'engage d'abord dans une politique d'apaisement, puis, prenant acte de l'évolution de la situation et de la détermination du FLN, s'oriente progressivement vers la reconnaissance du droit à l'autodétermination de l'Algérie.
Les négociations entre le gouvernement français et le FLN aboutissent finalement aux Accords d'Évian, signés le 18 mars 1962. Ces accords prévoient un cessez-le-feu et l'organisation d'un référendum sur l'indépendance. Le 1er juillet 1962, les Algériens votent massivement pour l'indépendance, qui est proclamée le 5 juillet 1962.
La fin de la guerre est marquée par des violences et des tragédies, notamment le sort des Harkis (Algériens ayant combattu aux côtés de l'armée française) et l'exode massif des Pieds-Noirs vers la France. Le bilan humain de la guerre est lourd, avec des centaines de milliers de morts côté algérien (civils et combattants) et plusieurs dizaines de milliers côté français.
Le podcast de France Culture, en se penchant sur le 1er novembre 1954, explore les "germes du conflit". Il met en lumière les facteurs profonds qui ont conduit à l'éclatement de la guerre, au-delà de la simple description des attentats. Le débat d'historiens et de témoins, trente-cinq ans après les événements (en 1989), offre différentes perspectives sur cette journée et ses prémices.
L'émission aborde notamment :
Ce podcast permet de comprendre que la Toussaint Rouge n'était pas un événement isolé, mais le résultat d'un long processus historique, marqué par la colonisation, les inégalités, la répression et l'échec des tentatives de réforme. Il souligne la complexité des causes et la diversité des points de vue sur le déclenchement de cette guerre qui a profondément marqué l'histoire de la France et de l'Algérie.
Pour mieux saisir le contexte du 1er novembre 1954, voici un tableau récapitulatif des dates et événements importants qui ont marqué la relation entre la France et l'Algérie et conduit au déclenchement de la guerre.
Date | Événement Clé | Signification |
---|---|---|
1830 | Prise d'Alger par la France | Début de la colonisation française en Algérie. |
Après 1945 | Montée du nationalisme algérien | Développement des mouvements revendiquant l'autonomie ou l'indépendance après la Seconde Guerre mondiale. |
Mars 1954 | Création du CRUA (futur FLN) | Décision de passer à la lutte armée par un groupe de militants nationalistes. |
Nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954 | La Toussaint Rouge | Série d'attentats coordonnés par le FLN, marquant le début de l'insurrection armée. |
1er novembre 1954 | Diffusion de la Proclamation du FLN | Appel au peuple algérien à la lutte armée pour l'indépendance. |
1954-1962 | Guerre d'Algérie | Conflit armé entre le FLN/ALN et les forces françaises. |
Pour visualiser les événements et mieux comprendre le contexte de la Toussaint Rouge, voici une vidéo qui revient sur cette journée cruciale, soixante-dix ans après qu'elle ait marqué le début de la guerre d'Algérie. Elle offre un aperçu des faits et replace cet événement dans le long processus qui a mené à l'indépendance de l'Algérie.
Cette vidéo intitulée "Guerre d’Algérie : 70 ans après, retour sur la "Toussaint rouge"" revient sur la série d'attaques lancées par le FLN le 1er novembre 1954. Elle explique pourquoi cette journée est considérée comme le point de départ de la guerre d'Algérie, un conflit majeur qui allait durer huit ans et transformer profondément les relations entre la France et l'Algérie. Le reportage souligne également que, même des décennies plus tard, cette période de l'histoire reste un sujet sensible et complexe.
La Toussaint Rouge fait référence à la série d'environ 70 attentats et attaques coordonnés lancés par le Front de Libération Nationale (FLN) dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954 à travers toute l'Algérie. Cet événement est considéré comme le déclenchement de la guerre d'Algérie.
Le Front de Libération Nationale (FLN) est l'organisation nationaliste qui a planifié et exécuté les attentats de la Toussaint Rouge. Par cette action armée, le FLN a cherché à imposer la question de l'indépendance de l'Algérie sur la scène internationale et à devenir le seul représentant légitime du mouvement nationaliste algérien.
La guerre d'Algérie a duré environ huit ans, de la Toussaint Rouge le 1er novembre 1954 à la proclamation de l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962, suite aux Accords d'Évian signés le 18 mars 1962.
Le 1er novembre 1954 est une date fondamentale car elle marque le début officiel de la guerre d'Algérie avec le déclenchement de l'insurrection armée par le FLN. C'est le point de départ d'un conflit majeur qui a conduit à l'indépendance de l'Algérie et a eu des conséquences profondes pour la France et l'Algérie.
Initialement, les autorités françaises ont tenté de minimiser les événements de la Toussaint Rouge, les présentant comme des actes isolés de banditisme. Elles ont réagi par une intensification de la répression militaire, refusant de reconnaître l'existence d'une guerre ou d'un mouvement indépendantiste de grande ampleur.